Profitability - Ariane Loze
exposition Paris galerie

Profitability - Ariane Loze

Événement publié par CENTRE WALLONIE BRUXELLES Paris

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Après Art therapy, où Ariane Loze déconstruisait le langage du monde de l’art. Profitability se concentre sur un autre type de jargon professionnel, symptôme de la financiarisation du monde et de l’hégémonie du modèle entrepreneurial.

La vidéo décrit la rencontre entre une représentante de Ariane Loze International, boîte de production fictive des vidéos de l’artiste, et trois investisseuses potentiellement intéressées par son développement. La satire du monde du travail permet ici d’opérer un rapprochement entre la création artistique et le produit commercial, brouillant la différence entre leurs logiques de production, de diffusion et de communication. L’architecture est à l’image des relations humaines qui y prennent place : bourgeoise, froide et standardisée. Elle constitue le théâtre d’une humanité réduite au calcul, à des logiques de rendement et de productivité (« the truth is in numbers ») qui l’aseptisent et la désincarnent. Les gestes rituels de la working girl (téléphone, réunion, agenda et powerpoint) ponctuent une dramaturgie tout en normes et conventions, articulée autour d’une réunion d’affaires. Les dialogues qui y prennent place relèvent d’une langue spécialisée, à mi-chemin entre le français et l’anglais, idiome dominant du monde globalisé. Première arme dans la guerre commerciale des sociétés néolibérales, le discours de ces belligérantes croise le champ lexical du mensonge et de l’illusion (« bluffer », « charmer »...) à la novlangue d’un marketing martial (« cost killing », « targeter »...) pour définir la stratégie la plus compétitive qui soit.

À peine parodique dans un système où l’économie de marché a pris le pas, Profitability montre comment les intérêts financiers pervertissent la nature même de l’art. De l’œuvre au produit de marché, du processus créatif à la chaîne de production, de la propriété intellectuelle au brevetage du concept, s’organise en effet un transfert de valeurs qui se traduit verbalement par un changement de ton. L’injonction à la performance, les obligations juridiques et la course au profit s’expriment en effet de manière autoritaire et péremptoire, signes des tensions, des attitudes de défiance et d’offensive dans lesquelles se tiennent les personnages. Ce pragmatisme matérialiste ôte ainsi toute spiritualité au discours, en même temps que toute aura à l’œuvre.

Mise en abyme du dispositif d’auto-filmage de l’artiste (« nous parlons d’une seule voix »), Profitability trahit des sentiments plus personnels face aux évolutions de son travail. La possibilité de ne pas apparaître dans une prochaine création y constitue notamment un point critique de négociation, tandis que la question rhétorique « Ariane Loze est bien un produit ? » dit toute l’inquiétude à entrer dans un système mercantile où la créativité devient valeur marchande. Le spectateur finit alors par se retrouver confronté à une seule et même question critique : à qui l’art finit-il par profiter ?

Dans ses vidéo-performances, Ariane Loze procède à une méthodique déconstruction des normes du cinéma pour ramener les structures de ses films à leur minimum opérant. Alliant l’expression conceptuelle à une réalisation home-made, son esthétique post-minimaliste vise une sorte de degré zéro de la représentation, soutenue par une ligne narrative de base immédiatement lisible et une action unique, elle-même filmée en plans fixes (un dîner, une rencontre, une poursuite, une errance...). Réunies au sein du projet MÔWN (« Movies on my own »), les vidéos sont également produites en complète autonomie, Ariane Loze étant non seulement réalisatrice, scénariste, monteuse, costumière, régisseuse son et lumière, mais encore, sauf exception, interprète de tous les personnages. En résonance immédiate avec l’épure des décors et la fixité du cadrage, cette économie de moyens porte alors l’accent sur l’interprétation de rôles caractérisés, l’incongruité de leurs situations et la dérision critique de leurs propos, questionnant les préjugés, les codes et les assignations auxquels ils répondent. Saynètes absurdes de la vie sociale ou allégories de la vie psychique, ces micro-fictions prennent place dans un monde dystopique, le plus souvent désaffecté, dans lequel les protagonistes, en situation de crise, s’interrogent, cherchent une issue ou se confient. Portant un regard incrédule sur les hégémonies sociales, économiques et culturelles qui ordonnent le monde contemporain, Ariane Loze pose ainsi un diagnostic sur la vanité globale qui s’y exprime, en suscitant chez le public un regard distancié, aussi amusé que critique.

Florian Gaité

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